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Journal de bord du festival 2017

En guise de prologue, mardi 21 novembre, Cinéma La Pléiade Cachan.

 En partenariat avec La Pléiade dans le cadre du mardi des réalisateurs, et à l’occasion du centenaire de sa naissance, Afrique sur Bièvre tenait à rendre hommage à Jean Rouch avec la projection de « Moi, un noir » (1958).

Cette séance a été un beau succès. Les spectateurs, nombreux, ont beaucoup apprécié le film et la présentation de Catherine Ruelle qui animait le débat. Celle-ci, très impliquée dans l’organisation des manifestations autour du pionnier du cinéma-vérité était accompagnée de Pierre-David Fila, un réalisateur congolais qui a bien connu Jean Rouch.. L’un et l’autre étaient très satisfaits du contact avec le public.

Les séances scolaires du lundi 20 au vendredi 24 novembre.

Jean Vilar, Arcueil – La Pléiade Cachan – La Tournelle L’Haÿ les Roses

Ce sont au total près de 700 enfants, élèves de CM1/CM2 d’écoles de Gentilly, Arcueil, Cachan et L’Haÿ les Roses qui sont venus avec leurs enseignants et des parents accompagnateurs découvrir deux courts-métrages marocains .

« Aya va à la plage », réalisé en 2015 par Maryam Touzani, met en scène une fillette de 10 ans, employée comme domestique dans un appartement de Casablanca.. Exploitée et enfermée, elle garde pourtant sa joie de vivre, nourrit ses rêves et trouve réconfort auprès d’une voisine.

Le jeune héros du « Ticket de cinéma », de Ayoub Layoussifi, un garçon de 11 ans, est fou de cinéma mais sa mère écrasée par ses conditions de vie difficiles , n’a pas d’argent et ne comprend pas sa passion. Hassan déploie alors toutes les ressources de son imagination pour aller voir Spiderman 3 avant la fermeture définitive du cinéma de son quartier.

Très réceptif comme toujours, ce jeune public n’a pas été avare de questions ni de commentaires.

Des élèves du collège Dulcie September à Arcueil, ont quant à eux suivi au Burkina Faso, à travers le film « Wallay » de Berni Goldblat, un adolescent éloigné de la banlieue lyonnaise où son père l’élève seul. Ce dernier , en le confiant à son frère resté au pays, espère que l’environnement rural et familial lui fera recouvrer de vraies valeurs.

LE FESTIVAL

 

Vendredi 24 novembre Maison pour Tous Villejuif

Wallay de Berni Goldblat.

C’était la séance d’ouverture du festival proprement dit.

« Wallay » de Berni Goldblat, raconte l’expérience initiatique d’un adolescent dont le père, qui l’élève seul dans la banlieue lyonnaise, a du mal à maîtriser l’éducation. Ce dernier , en le confiant à son frère resté au pays, le Burkina Faso, espère que l’environnement rural et familial lui fera recouvrer de vraies valeurs.

La salle de la MPT était pleine d’un public varié et le réalisateur, dès son entrée , s’en est félicité. L’association qu’il a fondée au Burkina Faso où il vit s’attache à la création et la diffusion d’outils de sensibilisation en direction des jeunes notamment. La chaleur qui émane de ses interventions se retrouve dans un film sensible, ancré dans le réel et qui laisse une large part aux possibilités d’évolution positive quand les différentes générations savent dialoguer et que la culture d’origine de la famille apporte d’autres richesses. La ténacité que Berni Goldblat a manifestée pour mener au bout ce projet cinématographique qui lui tenait à cœur a été récompensée par l’adhésion des spectateurs, toutes générations confondues.

 

Samedi 25 et dimanche 26 novembre – Cinéma La Pléiade Cachan

Focus Cinéma du Niger d’hier et d’aujourd’hui

Samedi 17h30 – Le temps des pionniers

Le retour d’un aventurier de Moustapha Alassane

-Les cow-boys sont noirs de Serge Moati.

Pour se plonger dans l’histoire du cinéma nigérien à ses débuts, et commenter le film de Moustapha Alassane qui fut amené à la réalisation grâce à Jean Rouch, nous avions trois intervenantes de choix ,Catherine Ruelle , qui n’ignore rien des cinémas africains depuis leurs débuts jusqu’à nos jours et deux cinéastes nigériennes ; Rahmatou Keita a réalisé en 2004 un film, Al’lèèssi sur l’actrice présente dans les deux films. Aicha Macky représente la jeune génération nigérienne avec ses documentaires. Les informations historiques apportées, les témoignages sur ce qu’ont représenté ces débuts au Niger ont été fort intéressants et les échanges ont constitué une véritable leçon de cinéma .

 

Samedi 20h 30 – les cinéastes d’aujourd’hui – la relève des réalisatrices

Savoir faire le lit et L’arbre sans fruit de Aicha Macky.

Deux documentaires : le premier, un film d’école, le second, un moyen métrage abouti qui a obtenu plus de 40 récompenses dans des festivals internationaux. Les deux témoignent d’une réelle originalité et amènent à penser que AIicha Macky est promise à une belle carrière cinématographique..

Ces films sont éminemment personnels dans la mesure où la réalisatrice se met elle-même en scène pour aborder les souffrances et les questionnements de sa propre histoire mais avec délicatesse et pudeur, sans aucun narcissisme. C’est qu’au delà de sa personne, dans «  L’arbre sans fruit », elle s’intéresse aux autres femmes confrontées à l’infertilité et aux barrières que leur oppose la société nigérienne. Sa formation de sociologue et son engagement social personnel la conduisent à user de son cinéma pour amener une prise de conscience et donner espérance et désir d’autonomie. Au service de cette ambition, un grand talent de cinéaste : la construction rigoureuse du film s’accompagne de moments d’émotion et de belles images de visages de femmes, d’enfants rieurs et de paysages urbains de jour et de nuit.

Nombreuses ont été les marques d’intérêt et les questions . Très à l’écoute des spectateurs, la réalisatrice a su répondre avec simplicité et conviction.

Dimanche 16h – les cinéastes d’aujourd’hui

L’alliance d’or ( Zin’naariyâ) de Ramahtou Keita.

Pour présenter son film de fiction «  L’alliance d’or », Rahmatou Keita était revenue avec une grande partie de son équipe de tournage et de nombreux amis nigériens de Paris. Avec ce très beau film qui a obtenu le prix de la meilleure image au FESPACO 2017 et un prix spécial du jury au festival international de Kazan, les spectateurs étaient transportés dans le sultanat du Damagaran au Sahel, dans la lumière intense et limpide du désert, dans l’ombre des palais à l’architecture remarquable, au milieu de leurs habitants aux superbes costumes traditionnels. Autour du thème central du mariage qu’attend l’héroïne, se déclinent des histoires d’amour, de fuite ou de divorce tissant un tableau des rapports homme-femme dans la société sahélienne. Avec passion, Ramathou Keita retrace les circonstances de recherche de financement et de tournage du film, elle exprime avec force l’amour de son pays et de sa culture et son désir de la faire vivre à travers son cinéma. Elle éclaircit auprès des spectateurs la signification de certaines scènes ou rituels.
Les discussions animées et joyeuses se poursuivent à la grange Galliéni autour de l’apéritif offert par la mairie de Cachan.

Mardi 28 novembre – Cinéma La Tournelle – l’Haÿ- les- Roses

Séance de courts métrages

A la sortie de la séance, nombreux furent les spectateurs à dire leur plaisir de découvrir des œuvres très diverses aussi bien par leurs pays d’origine que par leurs thématiques. Michel Amarger, qui animait la soirée, a proposé que chaque court-métrage donne lieu à une présentation et un échange spécifiques, afin de saisir l’originalité de chacun d’eux.
Maman(s) de Maïmouna Doucouré (France/Sénégal) a suscité un débat animé sur la question des co-épouses dans le cadre d’une famille sénégalaise vivant en France. Des spectateurs ont aussi souligné la charge émotionnelle du film centré sur le regard d’une fillette de huit ans.

On est bien comme ça de Mehdi Barsaoui (Tunisie) abordait, sous forme de comédie, un autre aspect de l’intimité familiale avec un grand-père insupportable, sa fille et son petit-fils. L’échange a dépassé le contenu du film, pour aborder la situation actuelle de la production cinématographique en Tunisie.

La laine sur le dos de Lotfi Achour (Tunisie), avec pour thème la corruption, a été l’occasion d’un échange autour des interrogations que suscite aujourd’hui la situation politique de la Tunisie.

Une place dans l’avion de Khadidiatou Sow (Sénégal) traite d’un sujet grave, le mirage de l’Occident pour les Africains, mais sous une forme totalement burlesque. Les familiers du cinéma africain n’ont pas manqué de remarquer les références aux films de Djibril Diop-Mambéty. Mais Jacques Tati et Pierre Etaix ont aussi été évoqués.

 

Mercredi 29 novembre Cinéma La Pléiade – Cachan

Séance collège

26 élèves d’une classe de 4ème du collège Victor Hugo de Cachan ont assisté à la projection du film Wallay de Berni Goldblat. Les réactions au cours de la séance elle-même aussi bien que les questions soulevées lors du débat ont témoigné de l’intérêt des élèves pour un film dont le personnage principal avait leur âge.

 

Mercredi 29 novembre -Maison des familles – Gentilly

Wallay, de Berni Goldblat

Plusieurs générations se sont retrouvées dans la grande salle de la Maison des familles ce mercredi après-midi: des enfants du centre de loisirs, des dames des ateliers sociolinguistiques avec leurs animatrices, des retraités dans le cadre des rencontres Tournesol, et des amis et parents. Wallay,  avec sa thématique sur le rôle fondamental de la solidarité familiale, d’un encadrement des adolescents mêlant fermeté et tendresse, et sur l’importance des cultures d’origine était tout à fait adapté à ce public. Le jeu convaincant des acteurs, professionnels et amateurs, les paysages et les coutumes du Burkina Faso, filmés avec le regard délicat et chaleureux du réalisateur, ont beaucoup plu ; les enfants n’ont pas été les derniers à poser des questions et les échanges entre et avec les spectateurs, facilités par la familiarité du lieu, se sont développés de façon tout à fait intéressante. Ils se sont poursuivis autour des excellents gâteaux confectionnés par les dames de l’atelier du 162 .

Encore un partenariat réussi entre Afrique sur Bièvre et la ville de Gentilly !

 

Jeudi 30 novembre – Cinéma La Tournelle – L’Haÿ- les- Roses

Tant qu’on vit de Dani Kouyaté.

Le film de Dani Kouyaté, Tant qu’on vit, , aborde comme Wallay, le thème de la découverte, par un adolescent métis, du pays d’origine d’un de ses parents ; il décrit plus généralement les interrogations sur l’identité dans l’émigration et l’écartèlement entre deux cultures. L’histoire se déroule en Suède et en Gambie, et les personnages variés et approfondis qu’elle met en scène font percevoir différents parcours, différents regards portés sur les sociétés suédoise et africaine, différentes approches et différents choix à la fin. Dans cette œuvre pleine de sympathie pour les protagonistes, le réalisateur montre toute la maturité de son talent. Le spectateur, en se sentant proche des personnages, tous très attachants, est amené, au delà de l’intérêt pour le déroulement de l’intrigue, à réfléchir sur des sujets récurrents qui traversent les sociétés contemporaines. Des applaudissements nourris ont salué la fin de la projection.

En l’absence de Dani Kouyaté, indisponible, Maria Larsson Guerpillon, productrice du film était venue spécialement de Suède. Elle a répondu bien volontiers à toutes les questions sur les conditions de préparation et de tournage et dit à quel point la collaboration avec le cinéaste avait été agréable et passionnante.

A l’issue de la séance, le verre de l’amitié a été partagé dans le hall du cinéma.

 

 

Vendredi 1er décembre – MJC Louise Michel – Fresnes

Zaineb n’aime pas la neige de Kaouther Ben Hania

Décidément, Ciné Regards nous fait beaucoup voyager cette année et nous amène à partager les circulations qui caractérisent notre époque mondialisée.

Cette fois, c’est au Canada que Kaouther Ben Hania transporte son héroïne Zaineb, âgée de 9 ans, qui vivait à Tunis. Sa mère, veuve, va refaire sa vie avec un Tunisien vivant au Canada qui élève seul une fillette de l’âge de Zaineb.

La réalisatrice, une cousine de la mère de Zaineb, et qui de ce fait jouit d’une grande proximité , va suivre à certaines périodes, au cours de plusieurs années consécutives, la transplantation de Tunisie en Amérique du Nord, la vie de la nouvelle famille et surtout l’évolution des deux fillettes. La caméra de la cinéaste, très attentive, sait se faire oublier, et on est confondu par la spontanéité de Zaineb et de son amie, vives et bavardes, qui évoquent toutes les préoccupations de leur âge, la difficulté pour la jeune Tunisienne à s’acclimater, leurs sentiments sur leurs parents et beaucoup d’autres sujets. L’accent québécois gagne, elles grandissent, elles mûrissent, les amours de leurs parents se ternissent mais leur forte personnalité s’affirme toujours davantage.

Ce documentaire, qui s’apparente à une sorte de chronique filmée, montre une fois de plus l’originalité de la jeune réalisatrice tunisienne. Les spectateurs y ont été très sensibles et
Mouloud Mimoun a mené le débat avec sa compétence et son écoute habituelles.

Samedi 2 et dimanche 3 décembre – Espace municipal Jean Vilar – Arcueil

Focus Dieudo Hamadi , documentariste congolais

Michel Amarger a assuré la présentation des films du week-end et animé les débats qui ont suivi.

Samedi 18h : Atalaku

Ce documentaire nous plonge en pleine campagne électorale dans la République démocratique du Congo, pour la 2ème élection libre depuis l’indépendance du pays. Tournant au plus près de la population, le cinéaste suit essentiellement deux groupes de personnes : un atalaku (crieur public) qui, moyennant finances et sans adhésion politique, assure la publicité d’un candidat à la députation en rameutant la population pour ses meetings et en recrutant des musiciens marginaux pour composer une chanson et faire la claque ; l’autre groupe, constitué de jeunes gens instruits, est organisé et s’attache à défendre les idées de son candidat en guidant les électeurs dans les procédures de scrutin et en présentant des arguments politiques. L’acuité du regard de Dieudi Hamadi, son immersion au cœur de la population, son talent pour saisir les particularités des personnages, les mouvements de foule et l’importance des enjeux sont tout à fait remarquables. Michel Amarger s’est attaché à le souligner.

 

Samedi 21h : Maman Colonelle

On retrouve ces qualités dans le documentaire de la séance du soir. La colonelle Honorine, chargée au sein de la police congolaise de la protection des enfants et de la lutte contre les violences sexuelles, est une femme extraordinaire de générosité, de courage et de ténacité. Elle fait partie de ces héros du quotidien – souvent des héroïnes d’ailleurs- qui se battent concrètement sur le terrain avec le seul désir d’aider leurs concitoyens, de faire reculer l’injustice et d’œuvrer pour que les choses aillent moins mal dans leur pays. En lui rendant hommage, Dieudo Hamadi veut donner de l’espoir à ses compatriotes et leur insuffler l’énergie nécessaire à l’action.

Le cinéaste, absent, avait tenu à s’adresser aux spectateurs par l’intermédiaire d’une video pour préciser ses intentions. Il y racontait comment, impressionné par la personnalité d’Honorine lors d’une précédente rencontre, il avait tenu à faire ce long métrage pour faire connaître son action et la proposer comme exemple à ses compatriotes. La force de conviction de Dieudo Hamadi, sa confiance dans le cinéma pour témoigner de la situation de son pays ont frappé les spectateurs d’autant plus qu’ils ont pu recueillir d’autres témoignages de la part de son ami Tshoper Kabambi, présent à Jean Vilar pour les trois séances du week-end. Cet autre réalisateur congolais est très proche du travail de Dieudo Hamadi, qu’il admire beaucoup : ils se font part mutuellement de leurs projets, visionnent leurs films, et partagent le même souci d’aider à la prise de conscience de leurs compatriotes congolais pour améliorer la situation du pays.

Aussi est-ce à lui que Dieudo Hamadi avait souhaité donner sa carte blanche.

Dimanche 3 décembre – Carte blanche à Dieudo Hamadi

Quatre courts-métrages de Tshoper Kabambi

Free style, documentaire tourné à Paris lors du stage de Tshoper à l’université d’été de la Femis, rend hommage à la résilience et au courage d’un jeune Guinéen rencontré à Montmartre. Dive da Costa, qui a toujours su se relever après de terribles épreuves et faire preuve d’initiative pour les autres, était présent dans la salle. Il a dit en termes simples et touchants, son amitié pour le cinéaste, et le même souci d’engagement personnel pour forger son destin.

Mbote et SOS, deux courts-métrages de fiction, dont l’action se déroule à Kinshasa, abordent chacun à leur manière des thèmes voisins: graves difficultés socioéconomiques des habitants, dysfonctionnement de l’état, dureté des rapports humains, et en même temps persistance du rêve d’un avenir meilleur et volonté courageuse d’action pour la survie.

Dans Une lettre à Paxy, le réalisateur s’adresse en (belles) images et en voix off à sa petite fille. Il est au Sénégal pour un stage qui rassemble de jeunes cinéastes, et dit à son enfant ses craintes et ses espoirs pour l’avenir qui l’attend.

Tshoper Kabambi a insisté à plusieurs reprises sur la responsabilité dont il se sent dépositaire en tant que cinéaste pour témoigner, faire prendre conscience à ses compatriotes et les inciter à l’action modeste et quotidienne. Refusant la violence, il plaide pour un engagement humaniste qu’il défend avec douceur, respect et détermination.

C’était la dernière séance de Ciné Regards Africains 2017 .

Afrique sur Bièvre remercie les réalisateurs présents, les critiques spécialistes qui ont animé les séances, les personnels des cinémas, les partenaires institutionnels ou associatifs, tous les bénévoles et amis, enfin tous les spectateurs, fidèles habitués ou nouveaux venus.

Nous leur donnons rendez-vous pour la 12e édition en novembre 2018.